La Lettre à Helga
Bergsveinn BIRGISSON
131 pages
Editions Zulma (22 août 2013)
Svar við bréfi Helgu (La réponse à la lettre d'Helga), traduction par Catherine Eyjlófsson.
Quatrième de couverture
" Mon neveu Marteinn est venu me chercher à la maison de retraite. Je vais passer le plus clair de l'été dans une chambre avec vue plongeante sur la ferme que vous habitiez jadis, Hallgrimur et toi ". C'est ainsi que Bjarni Gíslason de Kolkustadir commence sa réponse - combien tardive - à sa chère Helga, la seule femme qu'il aima, aussi brièvement qu'ardemment, d'un amour impossible.
Et c'est tout un monde qui se ravive : entre son élevage de moutons, les pêches solitaires, et sa charge de contrôleur cantonal du foin dans ces rudes espaces que l'hiver scelle sous la glace, on découvre l'âpre existence qui fut la sienne tout au long d'un monologue saisissant de vigueur. Car Bjarni Gislason de Kolkustadir est un homme simple, taillé dans la lave pétrifiée de sa terre d'Islande, soumis aux superstitions et tout irrigué de poésie, d'attention émerveillée à la nature sauvage.
Ce beau et puissant roman se lit d'une traite, tant on est troublé par l'étrange confession amoureuse d'un éleveur de brebis islandais, d'un homme qui s'est lui-même spolié de l'amour de sa vie.
Bergsveinn Birgisson est titulaire d'une thèse de doctorat en littérature médiévale scandinave. Il est lui-même la mémoire des histoires que lui racontait son grand-père, fermier dans le nord-ouest de l'Islande. La Lettre à Helga est un immense succès en Islande, dans les pays scandinaves ainsi qu'en Allemagne.
Mon avis
Un court et puissant livre, ode à l'amour. Et à la nature islandaise.
Deux choses merveilleuses sont arrivées dans la vie de Bjarni, je le cite : son tracteur et Helga.
Une claque : ce n'est pas parce que c'est un vieux paysan qu'il n'est pas cultivé. Tout au long de sa longue lettre, il cite des poésies, des morceaux d'eda. Ce n'est pas la première fois que je lis des auteurs islandais et souvent, les récits sont émaillés de poésies islandaises.
Et quelle langue... Bjarni écrit à sa chère Helga en choisissant le mot juste. Toute sa lettre parle de son amour pour Helga, qu'il a ensuite refusé et idéalisé.
Il évoque la nature (on interroge les bergeronnettes, page 63), l'Islande, ses particularités, par rapport aux autres pays (les Etats-Unis qui débarquent...), la différence entre les campagnes et la capitale, rester comme avant, fabriquer les choses et ne pas les acheter. Et sa lettre s'étale des années 1940 à 1997...
Certes, cela peut sembler qu'un paysan rustre puisse s'exprimer ainsi...
Et avec des mots peu usités : cailloutis, menteries, lambics,...
Et des analogies de "la mort qui tue" : "tes seins onduler contre la mangeoire comme des cygnes sur la vague" (page 78) ou autres (ah, la comparaison entre Helga et son tracteur Farmall...).
Un joli moment de lecture, j'ai aimé me promener dans cette campagne isolée islandaise et à lire le coeur qui saigne de Bjarni.
L'amour est de tous les âges.
Au final, une belle (et lonnnnnnnnnnnnnnngue) (mais qui écrit aussi longuement ?) lettre d'amour.