Gaétan SOUCY
179 pages
Editions du Seuil, collection Points (2000)
Présentation
Nous avons dû prendre l'univers en main mon frère et moi car un matin peu avant l'aube papa rendit l'âme sans crier gare. Sa dépouille crispée dans une douleur dont il ne restait plus que l'écorce, ses décrets si subitement tombés en poussière, tout ça gisait dans la chambre de l'étage d'où papa nous commandait tout, la veille encore. Il nous fallait des ordres pour ne pas nous affaisser en morceaux, mon frère et moi, c'était notre mortier. Sans papa nous ne savions rien faire. A peine pouvions-nous par nous-mêmes hésiter, exister, avoir peur, souffrir. Ainsi débute ce récit impossible à raconter, à la fois désopilant et grandiose, plein de surprises et d'enchantements, porté de bout en bout par une langue tout ensemble farfelue et éclatante. Ce qui prouve bien deux choses, si besoin était : à savoir que la littérature est d'abord une fête du langage, et que Gaétan Soucy occupe dans nos lettres une place aussi unique qu'incontestable.
« Et nous lirons, nous lirons ! Jusqu'à tomber par terre d’ivresse, car après tout qu'importe qu’elles nous mentent, ces histoires, si elles ruissellent de clarté… »
Mon avis
Le père - le Père - se pend. Et ses deux garçons vont découvrir la vie sans la Loi du Père (Dieu ?), le monde va-t-il s'effondrer ? Ou être pillé ?
Je ne connaissais pas cet auteur avant son décès et donc que Cryssilda n'en parle. Toujours à la recherche de découverte, je suis partante pour une lecture commune. Dès mon retour de vacances, ce petit livre m'attendant patiemment : lu vite.
Première chose : C'est un conte métaphysique.
Deuxième chose : C'est un " comte à dormir debout " (page 130) : l'histoire apparaît farfelue, incohérente, ne serait-ce que pas le sujet. Cela me rappelle quelque peu Une lampe à ténèbres de Per Odensten, où deux niveaux de lecture sont possibles : la lecture de l'histoire et une lecture plus "philosophique".
Troisième chose : l'auteur joue avec les mots ('conte/comte") mais aussi avec les québécismes, les néologismes ("spinozale") et un français désuet que le "secrétarien" (le garçon qui rédige le journal de bord) a appris dans les "dictionnaires" (ainsi qu'il appelle les livres) de Saint-Simon ou Spinoza ou encore la Bible, omniprésente à travers les lois qu'a imposé le père, en arrangeant la Bible à sa convenance, lui qui fut missionnaire (comprend-on).
Quatrième chose : J'ai aimé découvrir cet auteur, son style, sa prose, son horreur de l'histoire. Les indices distillés peu à peu. Les questionnements. Les non-dits. Les métaphores.
(billet rédigé de mémoire, car livre envoyé et je n'ai pris aucune note, mis à part deux québécismes et le "comte [ de Saint-Simon] à dormir debout ")
Merci Cryssilda pour ce et pour la
qui m'a permis de découvrir cet auteur. A poursuivre, pour voir s'il "joue avec les mots", "joue avec les langues" dans ses autres livres.
: Billets de Cryssilda, Isallysun et Delphine.
1999 : Prix Ringuet et Prix du grand public du Salon du livre de Montréal
2003 : Prix Nessim Habif, pour l'ensemble de son œuvre
chez Laure